APOLLINAIRE ET LA GUERRE

GUILLAUME APOLLINAIRE (1880-1918) Le poète assassiné. Paris : Bibliothèque des curieux, 1916 Estimation : 20 000-30 000 €
Paris – Du 12 au 21 mars, Christie’s présente la vente en ligne de Livres rares et manuscrits, Bibliothèque André Guichard et à divers amateurs. Composée de près de 300 lots, elle réunit principalement des œuvres poétiques et littéraires des XIXe et XXe siècles (Charles Baudelaire, Paul Verlaine, Blaise Cendrars, Paul Éluard, André Breton, René Char, pour n’en citer que quelques-uns). Parmi les auteurs dont les ouvrages ont été réunis passionnément par André Guichard, Guillaume Apollinaire occupe une place centrale avec des exemplaires remarquables. Deux d’entre eux sont de précieux témoignages de son expérience de la guerre et des tranchées.
Véritable relique de papier, l’exemplaire de l’édition originale du Poète assassiné porte les stigmates sanglants du poète (estimation : 20 000-30 000 €). L’ouvrage est publié en 1916, peu après sa blessure à la tête par un éclat d’obus. Illustrée d’un portrait au trait bleu, la couverture de l’édition montre Apollinaire à cheval, hagard, une plaie à la tête, d’où le sang coule sur le visage et l’uniforme du poète. L’exemplaire de la vente est enrichi d’une longue dédicace à Valentine, la veuve de son camarade André Dupont, tombé au front. Le poète lui présente ses "hommages très respectueux et tout saignants encore", sur un feuillet effectivement taché du sang du poète
Le 1er février 1915, tel un présage funeste, Apollinaire écrit à son ami : « Tant d’hommes sur le front meurent en ce moment / Que c’est un vrai plaisir de saigner seulement ». André Dupont fut tué le 5 mars 1916 pendant la bataille de Verdun. Apollinaire, sans doute frappé par la coïncidence entre ce décès et sa propre blessure, adjoint au recueil pourtant déjà achevé, une ultime pièce dédiée à son ami mort au front.
L’Enchanteur pourrissant, paru en 1909, est un autre témoignage de la solidarité et de la fraternité nées de l’expérience traumatisante de la vie dans les tranchées. Apollinaire offre cet exemplaire à un compagnon d’infortune, vraisemblablement artilleur comme lui : "A Monsieur Louis Lacroix, souvenir du 2e canonnier-conducteur au 38e régiment d'artillerie de campagne", daté "Nîmes, le 8 mars 1915".
Introduit par Apollinaire comme l’"un des livres les plus mystérieux et les plus lyriques de la nouvelle génération littéraire", il est aussi le premier livre publié par le génial Daniel-Henry Kahnweiler et le premier livre illustré de gravures d'André Derain, relié par Paul Bonet (15 000-20 000 €).
La collection contient une autre œuvre mythique d’Apollinaire : le recueil Calligrammes, dans l’édition hommage donnée par Gallimard en 1930. Elle est illustrée par Giorgio de Chirico dont Apollinaire fut le premier et plus fervent défenseur à son arrivée à Paris. L’exemplaire de tête, sur papier nacré du Japon,, comporte une suite sur papier de Chine des soixante-huit lithographies originales. Il est revêtu d’une impressionnante reliure mosaïquée de Paul Bonet (25 00-35 000 €).
Enfin, André Guichard acquit un rare exemplaire des Mamelles de Tirésias, pièce féministe et antimilitariste d’un Apollinaire devenu ancien combattant. Ultime publication du poète avant sa mort en 1918, l’exemplaire sur papier du Japon est illustré de compositions rehaussées à la gouache de Serge Férat, qui réalisa les décors de la pièce. Le volume est relié par Paul Bonet auquel André Guichard vouait une grande admiration (12 000-18 000 €).
INFORMATIONS PRATIQUES
Vente en ligne : 12 – 21 mars 2024
Exposition du 15 au 20 mars, Christie’s 9 avenue Matignon, 75 008 Paris