DE BEIJING A VERSAILLES, LA COLLECTION V.W.S.
Paris – Les 13 et 14 décembre prochain Christie’s présentera à Paris une collection très singulière composée de près de 300 lots dont l’estimation dépasse les 7 millions d’euros. Comprenant un ensemble tout à fait exceptionnel d’objets chinois, dont de très rares pièces en jade blanc et jaune, la collection fait également la part belle au mobilier classique européen, avec des chefs-d’œuvre du XVIIIe siècle français, et à la haute couture. Cette collection retrace l’itinéraire géographique d’une famille fuyant les persécutions vécues sous l’Empire tsariste. Elle est aussi le récit d’un destin hors normes et d’une réussite exemplaire. Par les surprenants rapprochements entre les cultures et les civilisations qu’elle propose et l’extrême raffinement des objets qui lui donne son unité au-delà des époques, des styles et de la géographie, cette collection résonne comme une leçon d’élégance et une réponse aux violences et aux déchirements d’un siècle qui n’en fût pas avare.
ITINÉRAIRE
L’essor de cette famille débute là où s’achève en 1903 le chemin de fer de l’Est chinois, branche orientale du transsibérien voulue par la Russie. Fuyant comme d’autres un climat de persécutions politiques et d’antisémitisme, c’est à Harbin, ville la plus septentrionale de Chine, qu’elle s’installe et y développe ses activités dès 1906. Harbin, comme d’autres villes ailleurs dans le monde, concentre les espoirs de ceux qui rêvent de fortunes nouvelles. Elle devient rapidement un centre économique et culturel majeur en Mandchourie. Cosmopolite, elle abrite une importante communauté juive. Curieux, cultivé, doué pour les langues et très vite auréolé de nombreux succès dans ses affaires, le patriarche de cette famille y est à son aise. En 1932, à l’arrivée des forces armées japonaises, il l’aura quitté, comme beaucoup d’autres, pour Shanghai. De là, les activités de son entreprise le mèneront à Hongkong, en Amérique du Nord et vers d’autres pays d’Asie où elle s’établira pour longtemps. La collection qui se constitue dès les années 30 en Chine ne la quittera plus et s’enrichira au fil de ses installations à travers le monde, comme un pont tendu entre l’Orient et l’Occident. Les objets qui la composent, rescapés de l’histoire d’un siècle, sont porteurs d‘un héritage et d’un esprit. Si le collectionneur ne se substitue pas à l’historien, il semble retrouver les sources de la discipline telles que les énumère l’historien Yvan Jablonka : « L’enquête, le voyage, la découverte, la traversée, le vagabondage, la rencontre, la collecte de témoignages et de documents, la volonté de payer de sa personne et d’apprendre à voir » (1) . De ce point de vue, la collection proposée est emblématique. Elle l’est aussi par la qualité exceptionnelle des œuvres et des objets qui la composent.
CHEFS-D’ŒUVRE DE LA CHINE IMPERIALE
Depuis la nuit des temps, le jade fait partie intégrante de l’intimité et de la culture chinoise qui lui attribue de nombreuses vertus, de noblesse, de perfection ou encore d’immortalité. C’est à Shanghai dans les années 30 que notre collectionneur commence à réunir, outre des porcelaines et des tabatières chinoises, un ensemble de jades tout à fait exceptionnel. La collection est marquée par l’extraordinaire quantité et la magnificence des jades blancs, jaune et céladon pâle, dont la qualité impériale prouve l’œil particulièrement éclairé et connaisseur de notre collectionneur. Nombre des pièces en jade de cette collection datent de l’époque Qianlong unanimement considérée comme l’une des périodes les plus florissantes de la culture chinoise. À tout point de vue, la collection proposée a de quoi impressionner les amateurs les plus avertis tant elle contient de chefs-d’œuvre. Quelques pièces proposées aux enchères suffirent à créer l’événement à Londres au début des années 1960. Inédite sur le marché, c’est ici l’ensemble de la collection qui sera offerte.
UN DECOR ROYAL DE DANIEL PASGRIMAUD
Toujours restés dans la famille depuis, les objets d’art chinois voisinent avec des chefs-d’œuvre du mobilier français, brillamment mis en scène dans un somptueux décor de Daniel Pasgrimaud. Ce dernier est un des décorateurs les plus talentueux et discrets de la seconde moitié du XXe siècle, travaillant à la fois pour le musée du Louvre et pour les collectionneurs les plus esthètes et exigeants.
Entre chefs d’œuvres d’Orient et d’Occident, Daniel Pasgrimaud signe ici l’un de ses plus beaux décors. Le vert céladon domine dans le grand salon où un exceptionnel paravent en laque de Coromandel capte les regards. Dans la salle à manger, il s’inspire des chaudes couleurs des porcelaines chinoises monochromes pour donner le ton à une pièce intime et chaleureuse. Les autres pièces illustrent également la créativité et l’élégance des collectionneurs et du décorateur : ce dernier crée une petite salle à manger au décor épuré japonisant, un hall célébrant les fastes de Pompéi, un salon au décor néo-étrusque.
Mêlant chefs-d’œuvre et coups de cœur, il donne vie à un ensemble de pièces exceptionnelles. Parmi elles, citons une spectaculaire paire de gaines en marqueterie d’écaille et de cuivre par André-Charles Boulle - ébéniste du roi Louis XIV – (300 000-500 000 €), une commode de Pierre Macret livrée pour Marie-Antoinette alors Dauphine sera présentée dans la vente Exceptional du 22 novembre à Paris ou encore un chef-d’œuvre – un secrétaire à abattant d’époque Louis XVI, estimé 250 000-400 000 € - de David Roentgen qui travailla tant pour l’impératrice de Russie que pour Louis XVI ou un secrétaire à abattant d’époque Charles X d’Adam Weisweiler (60 000- 100 000 €). On mentionnera également un superbe meuble à hauteur d’appui d’époque Louis XVI, estampillé Claude-Charles Saunier, combinant des panneaux en pietra dura florentins et de laque orientale, lequel met en lumière tout le génie créatif des marchands-merciers parisiens (400 000-600 000 €). La collection égrène les plus grands noms des arts décoratifs classiques. Des noms qui ne sont pas sans rappeler le goût d’Hubert de Givenchy, dont la passion pour le mobilier classique a été récemment célébrée lors d’une vente mémorable chez Christie’s et dont la famille de notre collectionneur fut proche. Une relation d’amitié fondée sur des goûts partagés, un certain art de vivre, mais aussi sur un intérêt marqué pour la création de Haute-Couture.
TRESORS DE LA HAUTE COUTURE
Reflétant un art de vivre où le raffinement est de chaque instant, la collection comprend également un très important ensemble de pièces de Haute Couture des années 80 et 90. Il est aussi le fruit de relations personnelles et de longues amitiés entretenues avec les plus grands maîtres de la discipline, dont Hubert de Givenchy, Karl Lagerfeld pour Chanel, mais aussi Yves Saint Laurent, Christian Lacroix ou Jean-Louis Scherrer. Deux pièces exceptionnelles entièrement brodées par François Lesage seront proposées en avant-première dans la vente Exceptional du 22 novembre 2022 à Paris. Tandis qu’une vente dédiée se déroulera en ligne, du 11 au 25 janvier, proposant un ensemble de plus de 110 lots avec des estimations allant de 200 à 6 000 €, et réunissant les plus grands couturiers du XXe Trésors de la Haute Couture siècle, dont ceux mentionnés plus haut. Le 22 novembre, les collectionneurs pourront acquérir un somptueux manteau du soir brodé dit « Coromandel » provenant de la Maison Chanel. Issu de la collection Haute Couture Automne Hiver 1996, il incarne à merveille l’esprit d’une famille de collectionneurs qui mêle harmonieusement les références à l’Orient et à l’Occident et rend hommage au goût prononcé de Coco Chanel pour les paravents en laque de Coromandel qu’elle collectionnait. Toujours par Lesage, une veste réalisée par Yves Saint Laurent forme un tableau vivant directement inspiré des colombes de Georges Braque. Elle fût créée pour la collection Printemps Été 1988, dans laquelle le couturier rend hommage à certains des artistes qui ont nourri son œuvre. En novembre 2019, chez Christie’s à Paris, la veste aux tournesols, référence à Van Gogh, également brodée par Lesage, avait atteint un prix record. (Estimation 15 000-25 000 euros chacune).
APERÇU DE LA COLLECTION DE JADE
APERÇUS D’UN INTERIEUR